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Du goût pour de vrai

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Le mercredi 13 mars, il s’exhalait des couloirs de l’Assemblée nationale des effluves qui fleuraient bon la Normandie. Et pour cause : les 577 députés venaient de recevoir dans leur casier un camembert au lait cru affiné à point. De quoi réveiller un parlementaire !

Orchestrée par le député MoDem Richard Ramos, avec l’appui de Véronique Richez-Lerouge, présidente de l’Association des fromages de terroirs, l’opération n’avait pas seulement pour but de raviver les sens des élus. Elle voulait les alerter sur l’avenir de nos produits d’appellation, à quelques jours de l’examen, par l’Inao (Institut national des appellations d’origine), d’un nouveau cahier des charges pour l’AOP « camembert de Normandie ». À l’instar d’autres fromages, celui-ci ouvre en effet une brèche : celle qui permet à des industriels de s’engouffrer dans la fabrication au lait pasteurisé. Il faut dire que le marché et le différentiel de prix des produits en font saliver plus d’un, le premier d’entre eux, le géant Lactalis, disposant à lui seul d’un parc de fromageries consistant.

Si, dans le camembert, le lait pasteurisé n’est pas à proprement parler un loup dans la bergerie, il n’en jette pas moins un flou supplémentaire dans la compréhension de notre logique des signes de qualité « à la française ».

Aux yeux et aux papilles des consommateurs, qui ne sont sans doute pas très nombreux à déchiffrer la teneur parfois complexe de ces cahiers des charges, la garantie du goût reste une donnée trop aléatoire.

Pour les producteurs, de lait en l’occurrence, l’attrait d’avoir à fournir des volumes plus importants, comme le laisse entendre la douce musique des industriels, mérite d’être analysé avec du recul. La situation de certains produits bio, vendus aujourd’hui moins chers que leurs homologues « conventionnels » dans des rayons de distributeurs, incite à la plus grande circonspection.

La force de nos signes de qualité aurait à souffrir d’une dilution peu explicite des cahiers des charges de production, dans lesquels l’obligation de moyens ne se traduirait pas par une obligation de résultat : en clair un produit de goût typé justifiant une rémunération distinctive.

C’est une des conditions pour que les appellations et autres labels contribuent encore à sauver des produits, donc des agriculteurs et des PME. Concernant le lait, ces familles de produits sous appellation ont d’ailleurs mieux résisté que les autres aux périodes de crise de ces dernières années, en limitant les cessations d’activités.

 

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